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LivRacine

Histoires de livres, de lectures et d'écriture.

DE L'UNIFORME DES JAMBARS A LA ROBE DE LA REINE D'ANGLETERRE

Publié le 24 Octobre 2012 par Racine Assane Demba in Littérature

‘’Mémoires synchrones du fleuve de mon destin’’ c’est le titre peu ordinaire de l’ouvrage non moins singulier du Général Mamadou Niang dont la cérémonie de dédicace s’est déroulée ce mercredi au WARC. Devant un parterre d’invités de marque venus lui témoigner leur amitié et leur respect, le Général ainsi que des témoins de son aventure synchronisée à la marche du Sénégal ces cinquante dernières années ont entretenu l’assistance d’une leçon de dévouement et de patriotisme.

La cérémonie débute par un couac. Un retard de plus d’une heure dû au fait que le ministre des Forces Armées et le Chef d’Etat Major étaient retenus à la levée de corps d’un officier du nom de Saliou Niang pour qui une minute de silence a été observée après l’arrivée des deux personnalités. Cet épisode est venu rappeler à tous les sacrifices consentis tous les jours et en silence par les éléments de la grande muette au péril de leur vie. Le directeur de l’Harmattan Sénégal, le Dr Abdoulaye Diallo, ouvrant le bal des orateurs s’arrêtera d’ailleurs sur la nécessité de laisser trace de ces sacrifices comme legs aux jeunes générations : « Il faut que vous laissiez des témoignages car quand vous ne laissez rien, ceux qui viendront après vous, reprendrons ce que vous avez déjà fait .» commencera t-il avant de convoquer la phrase du président Senghor : « Je ne veux pas d’une armée au rabais. » pour dire que des hommes de la trempe du Général Niang sont la preuve que ce vœux a été exaucé. Le Général Ibrahima Gabar Diop à qui revenait l’honneur de présenter son ancien supérieur hiérarchique, s’y est plié en s’arrêtant longuement sur son parcours hors du commun étalé dans l’ouvrage. D’abord jeune chef de cabinet du Chef d’Etat Major Général des Armées puis tour à tour Commandant de la Zone 2(Gambie), Chef des opérations à l’Etat Major Général, Directeur de la documentation, Chef du contre-espionnage sénégalais, Sous Chef d’Etat Major Général des armées, président de l’Observatoire Nationale des Elections (ONEL), ambassadeur du Sénégal en Guinée Bissau, ministre de l’intérieur, enfin ambassadeur du Sénégal auprès de sa Majesté la reine de Grande Bretagne.

Le Général parlera sobrement et succinctement, « par haine du bavardage », avec le sourire parfois, de son ouvrage construit autour de trois grandes parties. Les péripéties de sa jeunesse, son cursus de formation jalonné par l’adhésion au PAI(Parti Africain de l’Indépendance) de Majmout Diop, dès sa naissance, dans la clandestinité et les grèves au lycée de St Louis qui le conduisent à l’exclusion alors qu’il est en classe de Terminal. Il se retrouve instituteur dans son Fouta natal : « Ce n’était pas ce que je voulais mais j’ai fait ce que j’ai pu avec une grande fierté » raconte-t-il. La deuxième partie parle de l’incorporation dans l’Armée un peu après l’indépendance, le tournant de sa vie, et du parcours chez ceux qui sont désignés affectueusement sous le nom de Jambaar. Enfin la troisième traite de ce que le Général nomme la « jungle » c'est-à-dire son intrusion dans l’espace politique « sans être un politicien », il le précise.

Mamadou Niang semble avoir voulu être beaucoup plus prolixe dans la partie initiale du livre où il évoque volontiers « son terroir, le Fouta, baigné par le fleuve Sénégal » qu’il magnifie, l’image d’une femme vaillante, sa mère, son identité d’africain profondément ancrée, que dans les deux suivantes dans lesquelles la réserve du militaire et la carrure de l’homme d’Etat l’ont certainement obligé à ne pas trop s’attarder sur nombre de sujets. Aux longs discours il préfère d’ailleurs les actes comme en témoigne la chute de son intervention : « Adepte de la pensée et de l’action, je conclus en disant que la joie de l’âme réside dans l’action .»

L’action donc avec une grande rigueur mariée à un certain sens de l’humour comme seuls en sont capables les vrais leaders. L’anecdote racontée par le préfacier le Pr Babacar Kanté, qu’il appelle malicieusement ‘’la robe de la reine d’Angleterre’’ en est une parfaite illustration : « Lorsque que le Général corrige les épreuves du livre avant la publication, il se rend compte en regardant sa photo avec la reine d’Angleterre, à la page 175, qu’il y a une tâche sur la robe de cette dernière. Il renvoie l’épreuve à l’éditeur en lui demandant d’user de tous les voies et moyens pour que la tâche disparaisse avec cette explication : quand je remettais mes lettres de créance à la reine d’Angleterre il n’y avait pas de tâche sur sa robe ». A 74 ans il n’a donc rien perdu de cette rigueur qui force le respect, pour laquelle les sénégalais l’avaient tant apprécié lors de son passage Place Washington. Qui ne se souvient pas en effet de cette visite du président américain Georges W Bush à Gorée au cours de laquelle les agents du Secret Service fouillaient tous ceux qui étaient présents y compris les officiels sénégalais. Lorsque le Général Niang, alors ministre de l’intérieur donc, arrive sur les lieux, il refuse non seulement de se faire fouiller mais exige et obtient qu’on mette fin immédiatement à ces scènes humiliantes pour l’image d’un pays. Sacré Général!

DE L'UNIFORME DES JAMBARS A LA ROBE DE LA REINE D'ANGLETERRE
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