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LivRacine

Histoires de livres, de lectures et d'écriture.

Enlever la statue de Faidherbe du paysage saint-louisien

Publié le 14 Avril 2018 par Racine Assane Demba

Enlever la statue de Faidherbe du paysage saint-louisien

La représentation par une statue n'est pas neutre. Ériger une statue à un homme relève plus du registre de la glorification que d'une introspection objective ou d'un devoir de mémoire. Si cette statue a valeur de témoignage historique c'est alors un témoignage à décharge. Si nous nous accordons sur la qualification de la colonisation comme crime contre l'humanité, il nous faudrait penser à ajouter qu'il n'y a pas de crime sans criminel. Faidherbe a été le bras armé d'une entreprise de spoliation, de dépossession économique et culturelle. Entre meurtres de masse, razzias, expéditions punitives, intrigues, alliances stratégiques avec des chefs locaux souvent sur fond d'intimidation et de chantage ou parce que ces derniers étaient parfois cupides, traitres et défaillants, il a soumis un peuple par la loi du plus fort. Tout est question de représentation et de signification. Dans un pays où certains poussent le syndrome de Stockholm jusqu'à mettre Faidherbe dans le nom de leur enfant, quand on connaît la valeur référentielle de l'homonymie dans nos sociétés; lorsque des griots chantent encore les louanges de certains dans des cérémonies avec des "sa maam mo doon and ak gouverneur" (ton grand père était le compagnon du colon), il me semble opportun de faire un travail pédagogique qui, combiné à une dénonciation sans concession de nos propres tares pour leur correction, nous permettra de vaincre cet effet d'hystérèse dont parle Felwine Sarr dans Afrotopia. Ériger une statue à Faidherbe c'est le mettre au même pied d'égalité qu'un humaniste comme Théodore Monod par exemple dont un musée situé en face de notre Assemblée nationale porte le nom. Sans en faire un sujet de propagande ni masquer nos propres défaillances, mettons Faidherbe dans nos manuels scolaires ou disons qui il était par d'autres moyens moins "ambigus de sens" mais ne le laissons pas plastronner sur un piédestal où, dans le sens commun, il sera plus perçu comme une figure auréolée de gloire que comme un bourreau. Une blague répandue veut que le résistant que nous avons érigé en héros national soit mort d'une balle dans le dos car il fuyait face aux assauts des troupes coloniales. Glorification du colon disais-je...

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