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LivRacine

Histoires de livres, de lectures et d'écriture.

Ivre de vivre

Publié le 22 Juillet 2022 par Racine Assane Demba

Ivre de vivre

L'Ubriaco, ivre en italien, est le premier film d’Ababacar Samb Makharam. Le cinéaste sénégalais l’a tourné en 1961. Court métrage filmé dans un huis clos entre deux acteurs, il mêle audace, poésie, sens du beau et ambivalence des sentiments.

L’ivresse y rencontre la lucidité. La déraison y nargue la sagesse. A la gravité répond une forme de légèreté fruit de la consommation d'alcool qui mène à ce bon mot du personnage masculin à son alter ego féminin : « un verre transforme un homme en lion, deux verres en font un oiseau, à trois il devient un âne »

L’ânerie est ici à l’ivresse ce que la démesure est à l’amour. On assiste à la montée vers les limites d'une femme face à la folie d'un homme. L'ivresse de la jeunesse est filmée dans son insolente beauté. On devine que cette ivresse est inconscience et évasion face à la réalité, à ses normes, ses pesanteurs.

L’aphorisme d’Antiphane permet de mettre des mots sur les images : « deux choses ne peuvent se cacher : l'ivresse et l'amour ». L’amour de cet homme pour cette femme le rend ivre de bonheur et il entend le faire savoir. Seulement, son bonheur finit par lui tourner le dos car à trop vouloir l'étreindre il finit par l'étouffer, à trop vouloir la serrer, elle s'échappe du risque de finir broyée qu’il lui fait courir comme dirait Aragon.


Métaphore de la vie et de ses tourments, de l'attirance entre deux êtres, d’une existence jalonnée d'incompréhensions, de l'amour qui ne suffit pas face aux démons des hommes dont la fragilité et la poésie ont été si bien résumées par Terence à travers ces mots : « je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger »

L’étrange est humain. L’ivresse est une manifestation crue de la condition humaine. Celle qui condamne certains à n’en faire qu’à leur tête et d’autres à renoncer aux gens qu’ils aiment pour ne pas perdre la tête.

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