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LivRacine

Histoires de livres, de lectures et d'écriture.

Lettre à Ndeye Amy Sarr

Publié le 25 Juillet 2018 par Racine Assane Demba

Lettre à Ndeye Amy Sarr

Madame, quelques jours après avoir rédigé un article d'alerte sur les violences policières dont sont victimes des citoyens, je vous ai découverte. 
Vous, poignante dans une vidéo visionnée par hasard en parcourant intérnet; votre témoignage d'un courage rare, votre chagrin visible malgré la dignité de votre port altier et qui me fit froid dans le dos. 

J'ai eu mal en vous écoutant raconter la brutalité devenue banalité, la bestialité entretenue par l'impunité, le dévoiement de la mission d'une police censée protéger et qui tue. 
Votre frère défunt est le dernier d'une longue série macabre.
Ils l'ont, vous nous avez dit, nous tirant de notre indifférence, battu, électrocuté, torturé au diluant avant d'en faire une torche humaine. Après avoir fait tout ça, après avoir transformé ses cris de protestation en râles d'agonie, il l'ont acheminé vers un hôpital. Puis il est mort. Et tout à leur lâcheté, vous annonçant la terrible nouvelle, ils vous ont parlé de "ndogal". Ils ont voulu absoudre leur violence déshumanisante, leur crime odieux, leur instinct de mort dans la lessiveuse si accueillante de nos irresponsabilités qu'est la volonté divine. 

Ils ont pris un homme faible et démuni. Et parce qu'il était faible et démuni, ils ont foulé au pied ses droits élémentaires, l'ont roué de coups, l'ont humilié, l'ont torturé et ont mis fin aux battements de son cœur. 
C'est la toute puissance de privilégiés exerçant leur mépris du corps et de la vie des gens ordinaires. C'est le règne de la terreur des nantis d'un pouvoir institutionnel face aux oubliés des institutions, les orphelins de la République.

Il vous ont dit que Dieu l'avait voulu ainsi. Et vous, devant Dieu et les hommes, vous avez crié au ciel et à la terre, votre souffrance face à tant d'injustice vouée à demeurer impunie.
Madame, toute âme à qui il reste une once d'humanité à souffert en vous regardant témoigner de ce crime. Certes pas d'une souffrance aussi lancinante que la vôtre, vous qui avez vu, entendu votre frère mourir lentement sous les coups de ces hommes qui n'ont plus d'humain que le nom. Tout citoyen à qui il reste une once de sens de la justice et de l'intérêt général à été révolté en entendant ce que vous avez décrit. Vous avez subi un terrible abus de pouvoir dans une société qui a perdu beaucoup de sa capacité d'indignation. Vous avez subi le viol de vos droits dans l'indifférence générale devenue le marqueur d'une collectivité factice.

Vous avez séché vos larmes et avez pris la parole devant les silences apeurés, gênés ou connivents. 
Ils ont donné la mort et, à défaut de justice, vous avez refusé le déshonneur.
Pour votre courage madame, mon respect. Pour votre souffrance, ma douleur compatissante. Pour l'injustice subie, ces mots écrits à l'encre de mon impuissance quand, foi que justice vous soit rendue, je n'ai point. 

Je vous admire madame mais je le sais: vous n'avez que faire de mon admiration. 
Et je vous souhaite de trouver la paix dans ce monde rempli de bêtes sauvages à apparence humaine, peuplé de brutes épaisses  jusque dans les commissariats.

 

 

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